Quelle est la place de La femme dans l'histoire du Cheval?

Quelle est la place de La femme dans l'histoire du Cheval?

Catégories : CHEVAL ET CULTURE

Difficile de ne pas se lancer dans la rédaction complète d’un ouvrage, face à ce vaste et passionnant thème des Femmes dans l’univers du Cheval… Eh oui, une petite touche culture vous est proposée par DistriHorse 33 ! La gente féminine n’a pas toujours été traitée d’égal à égal avec les hommes en ce qui concerne l’équitation. Pourtant, depuis la nuit des temps les femmes ont été en contact avec les chevaux. D’un point de vue pratique et indispensable, le cheval a accompagné l’être humain au gré des tâches et des activités quotidiennes. Comment les femmes se sont inévitablement trouvées en selle, comment se sont-elles accommodées des contraintes liées à leur condition pour parvenir à monter à cheval ? Quel fut leur sésame pour que la pratique de l’équitation leur soit accordée ? Quelques questions parmi tant d’autres que nous allons aborder, afin de vous donner une idée des batailles menées par les femmes afin de se hisser sur le plus noble compagnon de l’être humain.

Une part de réalité dans la mythologie?

La mythologie grecque, dont nous avons la chance de tirer un grand nombre de récits, témoigne au sujet des amazones. Ces femmes guerrières particulièrement redoutables {peut-être fantasmées...},  auraient tenté d’asseoir une société résolument matriarcale. En endossant les divers rôles et activités typiquement associés aux hommes, ces femmes eurent naturellement besoin des chevaux afin de se déplacer, de combattre en mouvement et en hauteur, notamment grâce à l’arc. Les représentations et allégories de la femme Amazone concernent plusieurs zones géographiques. L’actuelle Europe de l’Est, mais aussi l’Asie occidentale, en passant par la Turquie ainsi que la Géorgie et la Grèce... immanquablement. Parallèlement, de nombreux peuples nomades élevaient et éduquaient des chevaux afin de se déplacer sur de gigantesques distances. Ces montures étaient considérées comme des membres à part entière des familles et des tribus. De fait, les femmes et les enfants montaient à cheval et employaient les mêmes routes que les hommes. Aujourd’hui, ces traditions persistent puisque l’on rencontre toujours des peuples nomades. On songe en particulier aux Mongols sur leurs petits chevaux des steppes. 

La femme Viking, bien loin de l’image des Drakkars :

Abordons maintenant le thème des Vikings… Ces peuples scandinaves marquent encore très largement les esprits et constituent une fascination souvent représentée à travers des films, des séries télévisées voire même des bandes dessinées et des romans. Relatés comme de redoutables guerriers, les Vikings étaient surtout d’ambitieux explorateurs et il semblerait que leurs sociétés se trouvaient particulièrement bien organisées et hiérarchisées. Afin de mener à bien leurs expéditions, les Vikings se déplaçaient majoritairement par voies maritimes et fluviales. Les éminents Drakkars résonnent probablement dans vos têtes ! Or, afin de s’implanter et de fonder de nouvelles colonies (mais aussi de combattre), les Vikings s’accompagnaient de chevaux. Ces précieux équidés leur offraient une liberté de mouvements à terre tout en contribuant à la bonne marche des activités ordinaires. Quoi qu’il en soit, l’anecdote qui nous intéresse ici tout particulièrement est la suivante (attention scoop probable pour plusieurs d’entre vous) : si elle n’était pas réduite au rôle d’esclave, la femme Viking jouissait d’une autorité quasi absolue au sein de son foyer. Cela pouvait lui conférer la position de commerçante et parfois même de guerrière car il était attendu d’elle une totale capacité de se défendre en cas d’absence de son époux. Le cheval représentait alors un outil non négligeable dans l’équipement nécessaire à la défense. Les tâches agricoles bien souvent effectuées par les femmes justifiaient par ailleurs la présence des CHEVAUX. Ainsi, notre mammifère quadrupède favori avait toute sa place au sein des foyers Vikings, et à fortiori dans le quotidien des femmes. Venons en au sujet brûlant … En 2017, une sépulture datant du 10ème siècle a suscité de nouvelles études. La tombe en question, située en Suède, a révélé la présence d’ossements humains ainsi que d’armes et des squelettes de deux chevaux. Le plus inédit - mais cela fut avéré suite à des analyses ostéologiques et génétiques - fut que les ossements humains appartenaient à une femme. Deux autres tombes situées en Norvège furent examinées au début du 20ème siècle. Les restes qui en furent exhumés correspondaient également à des vestiges féminins. Le mythe de la femme viking guerrière ne semble donc plus être un mythe, mais au vu de ces trois sépultures féminines parfaitement analysées, il serait peut être délicat de faire une généralité de l’impitoyable combattante scandinave ;-). 

La femme du Moyen-Âge n’était pas une femme au foyer :

Concomitamment, le Moyen Âge bat son plein en Europe. Cette période a laissé sur son sillage de bien nombreux écrits, associés à de foisonnantes représentations. Ces dernières, qu’elles soient des sculptures, des peintures, des tissages… nous éclairent à de nombreux égards sur la place et la présence des femmes et des chevaux à cette époque. Le cheval était en ce temps réservé à l’élite, c’est à dire la noblesse. Les bourgeois et les paysans, moins aisés, enfourchaient quant à eux des mules ou des ânes. Les routes étaient d’ailleurs dans des états désastreux, ce qui amenait les gens à être en selle plutôt que de se faire tirer en chariots. Ainsi, pas de distinction de sexe sur les équidés chevauchés ! Notons toutefois que les femmes montaient à califourchon jusqu’au 14ème siècle environ. Ce n’est qu’après que la monte dite à l’amazone se développe au sein de la gente féminine. Les femmes de la noblesse se voyaient enseigner l’art de l’équitation par l’écuyer de l’écurie de la famille. Ce dernier était chargé d’apprendre non seulement la pratique, mais aussi la théorie à ses élèves. 

De nombreuses femmes nobles s’adonnaient à la chasse à courre, bien que l’activité fut tout de même majoritairement pratiquée par les hommes. Affranchissement vis à vis de la bienséance, émancipation à l’égard des Hommes, envie et besoin de liberté en profitant pleinement des richesses offertes par la nature et les animaux : une liste non exhaustive de motifs pour ces femmes alors excellentes cavalières. Les femmes n’appartenant pas à la haute société à cette période eurent pour certaines d’entre elles l’occasion de côtoyer les chevaux. Il est ici question d’enjeux purement pratiques. Une veuve dont le défunt époux exerçait une activité nécessitant un ou plusieurs chevaux, pouvait être autorisée à succéder à son mari. Cela lui conférait de droit toutes les compétences de soins et d’utilisation quotidienne du cheval. Le milieu agricole (à l’instar des exploitations familiales d’aujourd’hui, dans lesquelles hommes et femmes manient tracteurs et autres engins agraires) plaçait de façon logique la ou les femmes de la famille en charge du cheval de traction. 

Dès lors qu’il s’agissait de se déplacer sur d’assez longues distances, le cheval (mulet, âne, ou badot) pouvait être mis à contribution. Les religieuses qui étaient tenues de se rendre en pèlerinage notamment, pouvaient elles aussi être amenées à voyager à dos d’équidé. 

La guerre, car il ne faut pas l’oublier… constituait un motif de tout premier ordre en matière de cohabitation avec le cheval. Qui ne pense pas à notre célèbre Jeanne d’Arc (1412-1431) lève le doigt ! Après avoir valeureusement conduit les armées françaises contre les anglais, Jeanne D’arc fut capturée puis jugée. Lors de son procès, en 1431, il lui aurait été reproché le fait de trop aimer les chevaux… Entre 1429 et 1430, Jeanne D’arc eut à parcourir plus de cinq mille kilomètres. Au gré des différentes batailles et des lieux où elle devait se rendre, plus de douze chevaux “cinq coursiers et plus de sept trottiers” l’ont accompagnée. Une étonnante caractéristique chez cette femme héroïque : son adresse équestre, associée à de véritables talents pour mener des batailles, alors qu’elle n’était en aucun cas prédisposée à tout cela. Lors de son procès, elle aurait affirmé en personne détenir ces habiletés grâce à l’archange Michel… 

Quand la Renaissance impose l’élégance à la cavalière :

Penchons nous sur la période de la Renaissance (milieu 15ème siècle - début 17ème siècle). La place du cheval changea de celle qui fut observée durant le Moyen-Âge. La sélection des bêtes se fit non seulement sur la base de qualités physiques, mais également sur celle de l’esthétique et de la légèreté. De nombreux chevaux furent alors importés de méditerranée. L’élégance et l’efficacité sont très recherchées.

L’équitation classique apparaît alors aux quatres coins de l’Europe… Toujours réservé à l'Élite, le cheval en tant que divertissement se décline en Art plus fin, plus délicat que celui auquel on peut songer en ce qui concerne la guerre et les tâches du quotidien.

Les Académies Équestres font leur apparition, et tout particulièrement en Italie. Les contingences liées aux guerres sont toujours bien prégnantes, néanmoins l’Art du dressage équestre permet de former une cavalerie agile et parfaitement en mesure de répondre aux aides de son cavalier. Plus largement, le cheval offre à ses propriétaires une image sociale, politique et il permet surtout à tout un chacun de se déplacer. Les femmes, les enfants, et les personnes de la sphère religieuse ne sont pas en reste : des haquenées (les haquenées étaient aussi couramment employées au Moyen-Âge) leur sont réservées. Ces montures ordinairement attribuées aux dames assuraient calme et confort.

Parallèlement, et quelque part par opposition aux coutumes de la féodalité, la femme de la Renaissance, doit plaire et se féminiser en toutes circonstances. Alors que plusieurs dames de l’époque médiévale s’en allaient chasser, et montaient à cheval, il est attendu de la gente féminine de la haute société de cette époque de la Renaissance, de se détacher de l’équitation ou du maniement des armes. L’accent devait alors être fermement mis sur une éducation culturelle et sociale. Par ailleurs, l’Histoire fait état d’une anecdote qui mérite d’être mentionnée… Durant la période du Grand Siècle, Louis XIV disposait des services d’un certain Sieur de Vaux. Ce dernier, écuyer royal, oeuvrait dans l'ancienne rue de l'Égout à Paris. Un manège avait été fondé dans cette rue entre 1652 et les années 1730 : cet établissement était consacré à la bonne éducation des gentilshommes. Sieur de Vaux trouva accidentellement la mort en 1655, mais il fut remplacé par son épouse Charlotte Beaudouin. Elle se chargea dès lors de l’enseignement équestre, mais cette position ne lui rendit pas totalement justice puisqu’elle dût prendre le nom de son défunt époux pour endosser ces responsabilités.   

Les femmes et les chevaux, entre la Renaissance et la Révolution Française. 

Les préoccupations de cette époque, malgré une modernisation des moeurs, pourraient être comparées à celles des temps précédents. Famille, guerre, survie. Toutefois, en l’absence d’époux souvent partis au combat, de nombreuses femmes montaient la garde au logis et défendaient leurs foyers en cas d’intrusions ennemies. Il semblerait que ces obligations ne furent pas uniquement réservées à la gente nobiliaire. De fait, ces femmes étaient amenées à soigner les animaux et de surcroît à monter à cheval, quand cheval il y avait au sein de la maison. 

Cette notion de guerre persiste ensuite, car la Révolution marque un grand nombre de revendications féminines. En réclamant une égalité de droits face aux hommes, ces femmes engagées comprenaient inéluctablement le droit mais aussi le devoir de combattre pour la patrie. De rares “dissidentes” osent monter à califourchon… 

Eh oui, la monte en amazone connaîtra de beaux jours jusque dans les années 1930. La conception des selles amazones est régulièrement revue afin de faciliter tout un tas de “problématiques”. La stabilité de la cavalière, le fait qu’elle soit droitière ou gauchère, d’autres détails insolites tels que des rangements à mouchoirs, sandwichs ou autres flasques pour se verser un petit montant lors d’une bonne cavalcade ;-). Les différentes académies et écoles équestres sont aussi concernées puisque l’on trouve des selles amazones pour la doma vaquera ou bien même dans l’équitation western… 

Les femmes et les chevaux du côté de l’insolite

Ces aspects que l’on qualifiera d’excentriques, au regard de l’époque à laquelle ils se déroulèrent, sont ici observés sur un laps de temps allant des années 1800 à la moitié/fin du XXème siècle. Les femmes exploratrices de cette période devraient se voir consacrer un dossier entier, tellement leurs histoires sont épatantes. Que cela concerne les voyages en Orient, en Asie, en Afrique, et partout dans le Monde, les femmes se sont intéressées à l’Art, à l’archéologie, à la religion, à la nature, à l’humanitaire… Ces expéditions se firent pour certaines d’entre elles en binôme avec leur époux, mais aussi parfois en solo ! Une certaine Evelyn Cheesman (1881-1969), qui n’eut pas le droit de devenir vétérinaire - car en ces années là les femmes n’étaient pas autorisées à effectuer toutes les mêmes études que les hommes -  se lança dans l’entomologie. Cette voie la conduit à prendre part à de nombreuses expéditions à travers l’océan pacifique. C’est sans surprise qu’elle eut à se hisser sur de nombreux chevaux pour se déplacer au gré de ses nombreux voyages. Notons que le cheval dans ce genre de circonstances constitue l’un des moyens de locomotion les plus pratiques en cas d’accès compliqué à différentes zones. Autre femme dont le profil atypique mérite d’être mentionné : Ida Pfeiffer (1797-1858) qui à 45 ans se dirige seule et sans aucuns moyens financiers vers la Terre Sainte. De ses expéditions, cette autrichienne ramène plantes, insectes, et papillons. Il est aisé de l’imaginer montant à cheval ou à dos d’âne dans ces contrées où encore aujourd’hui ces équidés sont fréquemment employés. 

Les femmes à la conquête du spectacle équestre et nouveaux territoires :

Autre sphère remarquable sur laquelle il est indispensable de se pencher : le spectacle ! Les chevaux de spectacle, de cirque, ont de tout temps marqué les esprits des petits et des plus grands, mais ici nous allons évoquer une des femmes qui a marqué cet univers si singulier. Thérèsa Renz (1858-1938).  Bien tombée si l’on peut dire, cette femme issue de deux grands noms du cirque Allemand (les Wollschlaeger et les Stark) s’est mariée en 1883 à Robert Renz acrobate équestre. Thérésa s’est accompagnée de plusieurs chevaux aux tempéraments bien trempés et a su tirer d’eux le meilleur. Qu’ils se soient illustrés en tant que chevaux d’école ou bien en tant que sauteurs, ses compagnons lui ont permis de façonner d’époustouflants spectacles. Elle s’est notamment très brillamment illustrée lors de l’Exposition Universelle de 1900… Puis, un autre fait notoire de sa carrière : sa participation à la réouverture du cirque Medrano en 1932, alors qu’elle avait fêté ses 73 ans. Thérésa Renz s’est impliquée dans cette vie du spectacle équestre jusqu’à l’âge de 80 ans… 

À la même époque, mais de l’autre côté de l’Atlantique, une autre femme fait couler de l’encre. Calamity Jane ! Martha Jane Cannary (1852-1903) a participé à la conquête de l’Ouest en Amérique et s’est très sérieusement mêlée aux guerres indiennes. Archétype féminin du cowboy américain, cette cowgirl a bien entendu monté de nombreux chevaux et devait certainement faire preuve d’une bonne équitation lorsque l’on imagine les périples et batailles qu’elle a pu mener. Dans la même veine, Annie Oakley (1860-1926) a elle aussi pris part à la conquête de l’Ouest américain. Tireuse hors pair, elle fut aussi une cavalière émérite. 

Quand les Olympiades s’ouvrent aux femmes :

Le XXième siècle aura eu une résonance bien particulière en matière d’équitation et à fortiori d’équitation au féminin. L’avènement de l’équitation aux jeux Olympiques en 1900 et l’accession à ces épreuves pour les femmes uniquement à partir de 1952 auront été  des facteurs on ne peut plus importants dans l’arrivée de la mixité des sexes face au cheval et aux sports équestres. Le cheval est ainsi officiellement devenu un loisir et non plus un outil de travail. Les loisirs qui de manière générale se sont démocratisés auprès de la population française après la seconde guerre mondiale. 

Que de chemin parcouru lorsque l’on songe au fait que la majorité des licenciés de la Fédération Française d’Équitation sont… des femmes ! 

Article proposé par ALJ - Distri’Horse33® Produits pour chevaux - ©Tous Droits Réservés

Sources :

Anne Konitz-Hoyeau  Eleveurs-Femmes et hommes de cheval, femmes à cheval, sciences humaines Mai 2006 

Laurence Sake  La femme et le cheval au cours de l’Histoire

Catherine Tourre-Malen  Femmes à cheval - LA féminisation des sports et des loisirs équestres : une avancée ? 2006

Susanna Forest - The Paris Review Oct.2019 - The stuntwoman named for a continent

IFCE Juin 2019 

Charles Hérissey 2009 La femme et le cheval : des siècles d’Histoire

Monique Closson La femme et le cheval du XIIème au XVIème siècle - Le cheval dans le monde médiéval Presses universitaires de Provence 1992

Daniel Roche 2015 Amazones et cavalières. L’équitation et le genre (XIVème-XIXème s.) 

G.Charrière 1975 Revue de l’Histoire des religions- La femme et l’équidé dans la mythologie française

Alexandre Blaineau 2015 Le cheval de guerre en grèce ancienne Presses universitaires de Rennes

Des hommes et des chevaux Episode 22 Jeanne d’Arc - France bleu Normandie Janvier 1970

Joan Kelly Did women have a renaissance ? 

Entretien avec Daniel Roche 2009/2 n°28 Histoire sociale de la culture équestre

PU du Mirail 2006 Histoire, femmes et sociétés

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